Aujourd’hui, j’avais envie de parler de quelque chose.
Ou ma vulve avait envie de parler de quelque chose.
Là où nous en sommes, je ne sais plus.
J’avais envie de parler de l’orgasm gap
J’avoue que je me sens mal à l’aise par avance, parce que je déteste bâcher les hommes. Et que je n’ai pas envie de mettre mal à l’aise d’anciens compagnons de sexe qui peut-être m’écoutent.
Et en même temps, j’ai envie de prendre mon parti pour une fois, ou du moins de prendre le parti de ma vulve, et de lui permettre de raconter sa version des choses.
J’ai fait l’amour avec beaucoup d’hommes dans ma vie. Je ne vais pas vous donner de chiffre, car beaucoup pour moi, ce n’est peut-être pas beaucoup pour vous, ou peut-être énormément.
Ce qu’il faut retenir, c’est que j’ai fait l’amour avec suffisamment d’hommes pour avoir ce que dans un institut de sondage, on appellerait un « échantillon représentatif ».
Il y a eu des hommes avec qui j’ai adoré faire l’amour, des hommes avec qui je me suis ennuyée, des hommes que j’ai trouvé exceptionnels et qui m’ont trouvée quelconque, des hommes qui m’ont trouvé remarquable mais qui ne m’ont pas fait vibrer.
J’ai vécu plein de pratiques différentes, j’ai connu pleins de rythmes, de durées, de formes et de tailles de sexes, de sons, de soupirs, d’intensité.
Je peux dire que mes expériences sexuelles ont été extrêmement diverses. Et pourtant, dans cette diversité, mes expériences ont TOUJOURS eu le même point commun : la fin du game lorsque mon partenaire éjaculait. Et ceci même avec les hommes que je qualifierais pourtant de « merveilleux bons coups ».
Quand je dis fin du game, c’est que dans les expériences sexuelles que j’ai eues, lorsque l’homme jouit, la partie est finie. Si j’ai joui moi aussi, tant mieux. Si je n’ai pas joui, et bien tant pis.
Les fois où j’avais eu un orgasme, tout était bien qui finissait bien.
Mais les fois où je n’ai pas eu d’orgasme, c’était une autre histoire.
Dans cette configuration là, il y a eu des hommes qui, tout embrumés dans leur extase, ne remarquaient même pas que je n’avais pas joui.
Il y a eu des hommes qui ont peut-être remarqué mais n’ont tiré aucune conclusion de cette information.
Il y a eu des hommes curieux qui m’ont demandé si j’avais joui moi aussi. Et qui lorsque je leur répondais non, me disaient un « oh désolé ».
Mais AUCUN ne m’a jamais dit « attends, tu n’as pas joui ! Alors on continue ! ».
ou « bien sûr, j’arrive avec ma langue et avec mes doigts pour poursuivre notre échange jusqu’à ce que toi aussi tu aies un orgasme ».
Pour que ce soit juste et équitable entre nous en fait.
Ca ne s’est jamais passé.
Je me souviens même d’une fois dingue, avec mon dernier amoureux. On faisait l’amour, c’était génial j’étais vraiment à deux doigts d’un orgasme de fou. Ca montait ça montait ça montait, et là, PAF il éjacule et ça s’arrête.
Et c’était tellement frustrant parce que j’étais si près que j’ai carrément crié un « nooooooon » entre l’éclat de rire et les larmes. En lui disant « haaaaa non c’est horrible, j’étais vraiment à deux doigts d’avoir un orgasme de fou ! non non non ! ». Et il m’a dit « oh désolé ! », à la fois amusé et embarrassé. Et on a rigolé. J’étais dégoûtée, mais je rigolais quand même.
Mais à aucun moment, il n’a cherché à faire quelque chose avec ça.
Pour moi, c’était vraiment pas de bol. Comme quand tu joues à un jeu vidéo, que tu avances super bien dans ta partie et que tu meurs bêtement au dernier moment. Tu ne peux rien faire, le GAME OVER, ça fait partie du jeu.
Et ce qui me surprend ce soir en vous racontant tout ça, c’est qu’à aucun moment, je n’ai envisagé que ça puisse être autrement.
Jamais je n’ai demandé que ça soit autrement. Peut-être qu’une fois j’ai dit à un homme quelque chose comme « Mais sinon, t’as des doigts, tu sais ! », mais c’est probablement parce que j’étais un peu saoule après un dîner.
Parce que d’habitude je ne dis pas, je ne parle pas. Peut-être que je ne m’autorise même pas la pensée d’autre chose, et la prétention d’avoir un désir à moi.
Peut-être que je suis empétrée dans ce scénario rejoué, enfoncée dans cette croyance que la recherche de l’équité serait un peu égoïste et « qu’enfin, on ne donne pas pour recevoir ». Et puis, c’est pas si grave d’avoir moins.
Mais ça c’était avant ! Maintenant, j’apprends à parler. Et mon sexe veut parler.
Et ça commence ici. A l’abri derrière mon micro, de manière un peu lâche sans doute.
Mais peut-être que ce premier pas verbal me donnera l’élan et la force de communiquer dans mes moments d’intimité.
Parce que finalement oui, j’assume : j’aime faire l’amour pour recevoir du plaisir, et pas que pour donner du plaisir. C’est dit, les gars ! Je ne fais pas ça que pour vous. Je fais ça pour le partage, pour l’équilibre, pour l’équité, pour le donner ET LE RECEVOIR, et j’assume !
Et si je fais cet épisode aujourd’hui, ce n’est pas QUE pour raconter mes souffrances de Jeune Werther et polir mon plumage de Calimero. C’est aussi parce que je sais que mon expérience est une réalité pour plein d’autres femmes.
Le sujet a même déjà eu un certain écho médiatique quand Dora Moutot a créé le compte Instagram @tasjoui, qui est un compte indispensable pour qui s’intéresse un peu à la sexualité.
Le sous-titre hilarant du compte indique :
- t’as joui ?
- Pourquoi, j’ai eu l’air ?
Et lors de la création de son compte, Dora a beaucoup parlé de l’orgasm gap, qu’on pourrait traduire par « fossé orgasmique ».
L’orgasm gap, c’est la conclusion qui est apparue à la suite d’études statistiques qui ont été menées. L’objet des enquêtes était d’évaluer s’il y avait une différence du nombre d’orgasmes entre les hommes et les femmes selon qu’ils soient hétéros, bisexuels ou homo.
Et les chiffres sont imparables.
Dans les relations hétérosexuelles, les femmes ont beaucoup moins d’orgasmes que les hommes.
Les hommes disent avoir un orgasme 95% du temps, contre 65% pour les femmes.
Dans les histoires d’une nuit, on descend à 11% d’orgasme pour les femmes.
Un score presque aussi déprimant que les résultats de Jean Lassalle au Premier Tour des présidentielles.
Et non, je ne crois pas que c’est parce que les « femmes auraient plus de mal à jouir », Parce que les femmes disent atteindre l’orgasme entre 92 et 95% du temps lorsqu’elles se masturbent.
Qu’en conclure ?, qu’en partie, les hommes n’ont souvent pas les techniques pour faire jouir les femmes en pensant donner du plaisir majoritairement avec la pénétration.
OU tout simplement s’arrêtent avant de les avoir fait jouir.
Alors qu’est-ce qu’on peut faire pour jouir plus en tant que femmes et combler cet orgasm gap ?
Informer les hommes, par exemple en glissant dans leur poche des livres comme « She comes first » (Elle jouit d’abord de Ian Kerner)
Et puis prendre notre responsabilité en tant que femme (vous savez que ça, c’est ma petite idée fixe) de dire, de se sentir légitime à dire, de demander. De cesser d’attendre que les hommes soient déjà instruits et devinent et anticipent nos désirs. Parce que ça, selon moi c’est nourrir la croyance du prince charmant qui nous infantilise.
Après, si le mec ne veut pas, s’il privilégie son désir et que pour lui la messe est dite une fois qu’il a éjaculé, et bien, on est libre de dire « next » pour aller vers une autre relation où il sera possible de mettre notre plaisir au centre de nos besoins.
On peut fonder nos relations intimes sur le principe de réciprocité des plaisirs entre partenaires
Est-ce une déclaration de guerre ? Plutôt une déclaration faite pour moi-même, un code d’honneur à me rappeler face à quiconque s’apprêterait à partager mon intimité.
Désormais, je veux dans ma vie des hommes qui ne ferment pas boutique quand ils éjaculent.
Je veux des hommes qui ont envie de me faire plaisir, et qui mettent LEUR PLAISIR ET LE MIEN au coeur de leur priorité.
Je veux me sentir légitime de désirer de tels hommes. Je veux m’autoriser à définir pour moi-même cette nouvelle normalité.
Je sais que de tels hommes existent, puisque certaines de mes amies les ont rencontrés. Malheureusement, on ne peut pas s’échanger ces perles rares, puisque ce ne sont pas des jouets mais de vraies personnes.
En revanche, ça serait bien de leur donner des médailles, de leur ouvrir des tribunes, de les célébrer, de leur offrir des financements publics pour qu’ils puissent parler d’à quels points leur soif d’équité est magnifique pour faire jouir les femmes, afin qu’ils puissent donner des idées aux autres hommes.
Désolée à mes exs qui écoutent peut-être pour cette révélation tardive. Et de rien pour les orgasmes sans retour. C’était un plaisir. Enfin, surtout pour vous.
💛💛💛
Retrouvez toutes les retranscriptions des épisodes de Vulvées ici :
https://www.labellevibration.com/category/podcast-vulvees/
Retrouvez tous les épisodes de Vulvées sur Spotify et Apple Podcast et sur Acast.
Et si vous avez envie d’en savoir plus ou de m’envoyer un commentaire, contactez-moi !