la belle vibration

TANTRA & LOI DE L’ATTRACTION

[EP. 26] Etes-vous écosexuel.le ? L’écosexualité par Annie Sprinkle, ou le plaisir avec la Terre.

L’une de mes croyances les plus ancrées qui est remontée à la surface lorsque j’ai décidé de m’engager pour une année de célibat conscient, c’était le sentiment qu’en mettant les hommes en pause, j’allais abandonner le champ de la sensualité et du plaisir du corps.

Comme si, dans mon monde, la sensualité vraiment nourrissante et enrichissante ne pouvait se vivre que dans la sexualité et la relation d’intimité avec un homme.

Car ce qui me donne infiniment de plaisir et de joie dans la sexualité, c’est la sensation que mon corps, mes sens et mes capacités perceptives sont pleinement présents et éveillés.
Que soudain s’allume une nouvelle dimension de ma corporalité dans laquelle je vois, j’entends, je goûte, je touche et je bouge mieux. Et où je suis mieux vue, entendue, goutée et touchée.

En choisissant de renoncer à vivre cette dimension de moi dans l’intimité sexuelle, j’ai senti la peur. La peur qui me montrait comme l’expansion de mes sensations est importante pour moi et comme j’en ai besoin pour vivre.

Alors, la question s’est faite cruciale : où puis-je ressentir du plaisir sensuel, du plaisir dans le fait d’habiter mon corps, sans la compagnie d’un amoureux ou même d’un amoureuse ?

Je pourrais le ressentir avec moi-même bien sûr, avec l’auto-massage, la masturbation, la danse. Mais ce n’était pas ça que je voulais savoir.

Ce que j’avais envie d’explorer, c’était de savoir s’il existait d’autres types de relations qui pourraient être source de joie et de plaisir.

Alors j’ai cherché les moments qui m’ont donné le plus de plaisir dans ma vie. Certains remontent à mon enfance et pourtant ont encore la fraîcheur et la vivacité d’une satisfaction première qui se serait ancrée dans ma peau.

me balader dans la garrigue provençale avec mon père
plonger ma tête dans les lavandes
rencontrer partout et observer des grenouilles, des crapauds, des gros scarabées, des tortues, des lézards, des papillons, des scolopendres et des bourdons au cul dodu.
voir le saule pleureur ondoyer dans le vent.
caresser les chiens et plonger mon regard dans le leur.
observer les étoiles
observer les feux
voir quelqu’un que j’aime nager dans la Méditerranée
sauter depuis un haut rocher de calanque
Entrer lentement dans un lac
me baigner la nuit au milieu de la mer et voir mes contours qui s’illuminent à chacun de mes mouvements
admirer la pluie et l’orage, marcher sous la pluie
dévaler des pentes à vélo et sentir l’air qui s’accélère partout sur mon corps
écouter les cigales
Contempler le ciel à l’aube et laisser venir en moi l’odeur qu’a le matin
Cueillir des figues ou des cerises dans leur arbre et les dévorer sans attendre
M’étendre dans le soleil et me laisser étreindre par les étés brûlants
Marcher dans la forêt et la renifler avec la même ferveur qu’une peau aimée.
Entendre les oiseaux au matin

Et encore encore encore.

Tout ça, ce sont les plaisirs qui me viennent avec évidence, sans avoir à y penser.
Je n’ai qu’à demander à mon corps pour que la liste s’égrène, de tous les plaisirs sensuels qui viennent de ma relation avec la Terre.

La Terre que je ne perçois pas comme un décor inerte, mais comme toute la noce éternelle des vivants non-humains.
La Terre toute entière et tous les mondes qui l’habitent comme la source renouvelée de la joie dans mon corps.
Où chaque interaction enrichit et augmente mes capacités sensitives et perceptives.

Pourquoi croire que j’ai besoin d’un amoureux, quand la Terre est là avec moi ?

Et soudain, ce qui me paraissait distant s’est resserré, et j’ai vu apparaitre le pont entre ce que je recherche dans la sexualité et le plaisir que j’ai à être en compagnie la nature.

C’est un pont qui n’a rien de neuf ou d’inédit. Et bien d’autres l’ont emprunté avant moi, et notamment les partisans de l’écosexualité.

L’écosexualité, c’est un mouvement qui a été fondé par Annie Sprinkle, artiste, activiste, féministe prosexe, performeuse, ex-star du porno et ex- prostituée.

Annie Sprinkle définit l’écosexualité comme une expérience élargie de l’amour et du plaisir sensuel.
Elle invite chacun de nous à se connecter à la nature et à en tirer du plaisir et, idéalement, être inspiré pour lui rendre la pareille.

Dans son Manifeste de l’écosexe, elle écrit « Nous sommes les ecosexuels. La Terre est notre amante. Nous en sommes follement, passionnément et férocément amoureux. Nous sommes chaque jour, sans exception, reconnaissants de cette union. »

Dans une interview donnée à Libération, Annie Sprinkle explique : «Quand tu es face à un bel arbre, tu n’as pas envie de l’étreindre comme un phallus géant ? Et quand tu te promènes dans une prairie fraîchement coupée, tu n’as pas envie de fourrer ton visage dans les brins d’herbe, de les humer, de les lécher comme une chatte ? Tout le monde a eu des expériences écosexuelles, comme jouir dans une cascade, se masturber avec l’eau, se dorer au soleil, sans compter tous les gens qui ont eu des relations sexuelles avec des fruits et des légumes.»

Alors oui, Annie Sprinkle a une façon de vivre son ecosexualité qui est ultra-érotique. Dans ses performances artistiques, elle fait concrètement l’amour à la Terre jusqu’à l’orgasme.

Je ne suis pas au même endroit. Mais je me sens quand même appartenir à cette famille, puisqu’Annie explique qu’il y a différentes gradations dans la façon de vivre l’écosexualité, de l’érotisme le plus débridé à une sensualité plus tranquille.

Par exemple, elle définit comme « Ecosensuel.le.s » celles et ceux qui adorent se connecter à la nature sensuellement par l’odorat, la vue, le goût, le toucher, le mouvement.

Sa proposition est de s’ouvrir à une relation sensuelle au monde, et de réenvisager le vivant comme objet d’amour et source de plaisir sensoriel, dans une innocence joyeuse. Masser la Terre avec nos pieds, murmurer des mots doux aux plantes, jouir des cours d’eau, admirer les paysages…

Ce que j’aime aussi dans l’écosexualité, c’est qu’elle nous permet de retrouver un chemin de plaisir vers la Terre qu’on a peut-être perdu. De Devenir réellement sensible à nos environnements et retrouver un plaisir simple d’être en lien avec Elle.

Et aussi qu’elle invente un nouveau paradigme dans notre relation au vivant. Elle explique « L’écosexualité signifie que vous trouvez la Terre érotique et que vous la traitez comme un objet d’amour, plutôt que comme une ressource exploitable à l’infini. Beaucoup de gens imaginent la Terre comme une mère dont on peut téter indéfiniment le sein, et n’arrivent pas à dépasser ce stéréotype. C’est pour cette raison qu’il nous semble important de transformer cette métaphore de « Terre mère » en « Terre amante ». Une mère, elle est toujours là pour toi tandis qu’une amante, si tu la maltraites, elle te plaque. Là, on est donc plus dans un rapport de partenariat avec elle et l’air de rien, c’est très puissant.

Nous, nous voulons rendre à la Terre l’amour qu’elle nous donne. Et faire de notre plaisir mutuel une expression incarnée de notre passion pour l’environnement. Pour fonder une union toujours plus réciproque et plus durable, nous collaborons avec la nature. Nous traitons la Terre avec respect, bonté et tendresse »

Plutôt que de voir la Terre comme un objet corvéable dont l’unique vocation serait de nous donner, l’écosexualité remet au centre la question de l’échange, du donner et du recevoir. Et cela invite chacun et chacune à s’interroger : « et moi, qu’est-ce que je donne à la Terre et COMMENT je lui donne, en échange de tout ce qu’elle m’offre spontanément ? ».

Cette perspective nous permet de respecter le vivant et de mettre plus de conscience dans notre relation à la Terre et avec le monde sensible non humain. C’est une forme d’activisme écologique qui renforce notre empathie avec la planète et nous donne envie de mettre fin à son exploitation.

Car si je t’aime, normalement, je dois avoir envie de te faire du bien et de veiller sur toi.

Il y a plusieurs auteurs merveilleux qui re-convoquent notre capacité à prendre soin de la Terre en comprenant en en ressentant à nouveau que nous sommes en relation égale et équitable avec tous les êtres vivants non humain.

Je pense à Vinciane Despret ou Baptiste Morizot qui ont écrit des textes extraordinaires sur le sujet.

Les lire nous guérit du vice qui est de croire qu’en tant qu’humains, nous serions supérieurs aux « non-humains ». Et que cette supériorité justifierait que nous maltraitions les animaux, les végétaux, les minéraux. Depuis des siècles, l’exceptionnalisme humain et l’idée de suprématie humaine – l’idée que l’être humain est distinct de tous les autres organismes et séparé de son environnement – a dominé la pensée occidentale. ET dans cette croyance, l’humanité s’arroge le droit d’utiliser ou de détruire d’autres vies non-humaines pour servir son propre intérêt et garantir sa propre survie aux dépens des autres créatures.

Pourtant nous sommes profondément similaires et égaux à tous les êtres dont la société occidentale nous a séparé ou coupé. Nous sommes inséparables de tout ce qui constitue la nature.

Dans cette invitation à faire bouger nos fondations, notre orgueil et nos certitudes, je suis en amour tout particulier pour David Abrams qui a écrit des livres sublimes dont « Comment le monde s’est tu » ou « Becoming Animals » ou « The spell of the Sensuous ».

Il explique que dans ce que nous appelons « le progrès », nous avons fermé notre perception et notre regard à quelque chose d’essentiel : nous sommes entourés par des être sensibles avec lesquels nous sommes en relation réciproques : « Nous sommes des corps sensibles et sentients, capables d’être vus, entendus, goûtés, touchés par tous les êtres qui nous entourent. »

Et qu’il est impératif pour NOTRE bien-être que nous restaurions ce lien avec les « autres vivants », ou vivants non humains, et de nous guérir de cet aveuglement qui fait reposer notre quête de lien et de connexion sur les autres êtres humains.

Il explique que nous faisons désormais peser sur nos compagnons humains des besoins relationnels qui étaient auparavant pris en charge par l’ensemble de nos relations avec le vivant.

La première fois que j’avais lu ceci, ça m’avait déjà fait des feux d’artifices dans la tête. Depuis que je choisis le célibat, cette vision prend un sens encore plus puissant et révolutionnaire.

Ecoutez plutôt ce que David Abram écrit avec le rythme qui est le sien :

 » Nos sens ont coévolué avec l’ensemble du monde sensuel, avec tous ces autres états et formes sensibles, tous ces autres styles de vie. Notre système nerveux a émergé en réciprocité avec toute cette riche altérité, en relation et réciprocité avec les colibris, les rivières, les grenouilles et les montagnes, avec une terre vivante et animée qui nous parlait avec une multiplicité de voix. Je veux dire que l’intelligence humaine a évolué au cours des innombrables millénaires où nous avons vécu comme des cueilleurs et des chasseurs, et donc notre intelligence a évolué dans un contexte profondément animiste, où chaque phénomène que nous avons rencontré pouvait nous amener dans une relation. Pourtant, nous nous retrouvons soudain coupés de toute cette gamme de relations, nés dans un monde où aucun de ces autres êtres n’est reconnu comme réellement sensible ou conscient. Nous nous retrouvons brusquement dans un monde qui a été défini comme un ensemble d’objets inertes ou déterminés et de processus mécaniques, plutôt que comme une communauté de puissances animées avec lesquelles nous pourrions entrer en relation. Une relation dynamique ou vivante n’est tout simplement pas possible avec un objet.

Aujourd’hui, les seules choses avec lesquelles vous pouvez entrer en relation sont les autres humains. Pourtant, le système nerveux humain a encore besoin de la nourriture qu’il recevait autrefois en étant en réciprocité avec toutes ces autres formes de sensibilité et de sentiment. Nous nous tournons donc les uns vers les autres, vers nos amis humains et nos amants, dans l’espoir de satisfaire ce besoin. Nous nous tournons vers nos partenaires humains en exigeant une profondeur et une gamme d’altérité qu’ils ne peuvent pas fournir. Un autre humain ne peut pas fournir toute la nourriture incroyablement diverse et vitale que nous obtenions autrefois en étant en relation avec les libellules, les machaons, les pierres, le lichen et les tortues. C’est tout simplement impossible. Nous avions l’habitude d’entretenir des relations personnelles avec le soleil, la lune et les étoiles ! Essayer d’obtenir tout cela, maintenant, d’une autre personne — d’un autre système nerveux dont la forme ressemble tellement au vôtre — fait continuellement éclater nos relations, fait exploser tant de mariages, parce qu’ils ne peuvent pas résister à cette pression.

En effet. Nos relations intimes deviennent de plus en plus fragiles. Nous finissons par nous tourner vers notre amoureuse et lui dire : « Je tiens vraiment à toi, chérie, mais je ne me sens pas tout à fait satisfait. Tu ne réponds pas à mes attentes comme tu le devrais ». Bien sûr que non ! Une autre personne ne peut pas nous rencontrer de la même façon que celle dont nous étions autrefois engagés avec le monde vivant ! Même un grand nombre de relations humaines ne peut compenser la perte de toute cette altérité plus qu’humaine, et c’est ce qui rend nos communautés humaines intensément fragiles et sujettes à la violence. Je ne pense pas que nous ayons la moindre chance de guérir nos maux sociétaux, ou les multiples injustices que nous infligeons à diverses parties de la communauté humaine, sans renouveler l’Éros sauvage entre nous et notre environnement sensuel — sans « tomber amoureux extérieurement » (selon les sages mots de Robinson Jeffers) de ce cosmos terrestre qui nous entoure.

Si vous avez vraiment envie d’une relation saine et durable avec votre amoureuse ou votre amoureux, insufflez-lui une plus grande affection pour la terre locale — pour les créatures, les plantes et les éléments locaux. Cette affection soutiendra et nourrira votre relation, l’alimentera et vous permettra, à vous et à votre partenaire, d’être fluides l’un envers l’autre. »

Que pourrait-on ajouter après ça ?

Il ne me reste qu’à revenir au début de cet épisode, où je me demandais si être en relation avec les hommes pourraient bien être ma seule façon de ressentir du plaisir.
J’aime comme ce texte de David Abram me remontre une voie d’autonomie, qui m’invite à me libérer de cette dépendance aux humains comme pourvoyeurs exclusif de sensualité et de bonheur.

Et à la place de ce scenario trop joué, qui était un enfermement autant pour moi que pour autrui, il m’ouvre les yeux et les sens à tout ce qui m’entoure.

Aimer la Terre qui est là, engager mon corps dans ma relation avec elle. Vouloir et désirer juste des fleurs, de la beauté, de la nature, du vent, de la magie et le regard ouvert sur le plaisir qui est partout. Et renouer avec le sensible d’une manière encore plus vaste et respectueuse. Voilà désormais ce qui m’attend et ce que j’appelle.

Et vous ?

💛💛💛

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