Mettre du consentement dans sa sexualité et dans sa vie, avec Justin Hancock

Si je devais choisir une interview à écouter depuis la création de Vulvées, ça serait cet entretien avec Justin Hancock, éducateur, formateur et écrivain dans le domaine de la sexualité et des relations interpersonnelles.

Il est l’auteur du livre « Le consentement, on en parle ?« , publiés aux éditions Gallimard Jeunesse.

Dans cet entretien, il a partagé tellement de choses importantes : sortir des scripts sexuels, se donner le pouvoir de choisir ce qui est bon pour soi, chercher des relations qui font de la place aux besoins de chacun, concevoir l’intimité comme un lieu de co-construction, voir la vie comme abondance…

Cette parole me parait plus essentielle que jamais. A tel point que j’ai fini l’entretien en larmes de beauté 🥲.

🎧 Pour écouter cet épisode, tapez Vulvées sur Deezer, Spotify ou Apple Podcasts ! Ou écoutez-le dans le player ci-dessous.

Et retrouvez la retranscription de l’interview ci dessous !

🩷 Bonjour Justin,

🩵 Bonjour Alexandra. Comment vas-tu ?

🩷 Je vais bien, et toi ?

🩵 Je vais bien aussi, merci !

🩷 Je suis très heureuse et excitée de m’entretenir avec toi car tu es l’auteur de d’un superbe livre autour du consentement, qui est publié en anglais bien sûr, et en français également. La version française semble dédié aux adolescents, . C’est un outil parfait pour comprendre le consentement et l’appliquer à sa vie quotidienne. Donc merci infiniment d’avoir créé cet œuvre parce que le monde en a tellement besoin on n’en a tellement besoin aujourd’hui. Et c’est pourquoi je suis tellement excité de discuter de ça avec toi aujourd’hui. Et pour commencer, j’aimerais savoir ce que signifie le consentement pour toi

🩵 Tu poses la question la plus compliquée d’abord !
Je définis le consentement comme avoir la liberté de choisir d’être d’accord. Beaucoup de personnes définissent le consentement différemment. Comme je l’explique dans la première partie de mon livre., la façon dont le consentement est décrit. rend l’application du consentement très compliquée pour la plupart des gens. Souvent, des jeunes gens m’écrivent en passant par mon site Internet. pour me demander « est-ce que j’ai vraiment consenti dans cette situation ? ».

Parce qu’ils ont une vision du consentement qui ne les aide pas vraiment. Mais si on définit le consentement comme avoir la liberté de choisir d’être d’accord, ça nous l’aide à l’aborder d’une manière beaucoup plus large, comme un continuum où il peut y avoir plus ou moins de consentement. Je préfère ça, plutôt que d’opter pour un concept radical comme « il y a consentement » ou « ou il n’y a pas de consentement ». Et en plus, lorsqu’on parle de la liberté de choisir, on peut toujours avoir plus de liberté de choisir. On peut toujours avoir plus de consentement.

Réfléchir au consentement en se disant « qu’est-ce que je peux faire ici pour avoir toujours plus de liberté de choisir, et aussi pour apprécier toujours plus les choses que je vis ? », cela me permet de voir le consentement dans toutes les choses que je fais.

Dans toutes les discussions, tous les processus que je vis, toutes les conversations verbales et non verbales, qui me permettent de passer un moment vraiment bon avec quelqu’un. Il y a du consentement dans toutes les occasions où je vis un temps vraiment agréable avec quelqu’un. Qu’il s’agisse du sexe, de regarder un film avec quelqu’un, de faire un câlin, de se serrer la main ou de se faire la bise… Qu’est-ce qu’on peut faire chacun pour rendre ce moment agréable et source de plaisir pour chacun de nous ? Tout ce qu’on peut faire pour rendre ce bien-être mutuel, c’est ce que fait le consentement. C’est ma définition, et j’espère que elle peut aider les gens.

🩷 oui, je trouve ça extrêmement aidant et magnifique. Et ce que j’aime c’est le focus sur le fait que tout le monde se sente bien. Que ce ne soit pas juste « est-ce que j’ai consenti ou est-ce que j’ai pas consenti » mais plutôt « comment est-ce que l’on trouve ensemble un accord pour que ce soit bon pour nous deux ». C’est bien ça ?

🩵 Je pense que c’est un point capital, et je suis très heureux que tu aies apprécié ça dans le livre.
Le consentement n’est pas juste donné par une personne à une autre qui le lui demande. C’est un processus qui est créé par deux personnes.
Et donc ça vient des deux côtés.
Si c’est juste une personne qui dit « est-ce que ça te dirait de faire ça ? » et que l’autre répond « oui ou non », je ne pense pas qu’il y ait assez de consentement là-dedans.
Donc, au lieu que ce soit une personne qui demande, et l’autre qui dit oui ou non, ça peut être « comment chacune de nous se sent avec ça ? Est-ce que c’est quelque chose qu’on a vraiment en vie de faire ensemble ou est-ce qu’il y a d’autres choses qu’on préférerait faire ensemble ? Et comment on peut le faire d’une façon qui maximise notre plaisir à tous les deux ? ».

C’est une façon de relationner qui fait de la place à la co-création, et c’est ça qui permet l’intimité. C’est même la définition de l’intimité, en fait.
Ce qui est génial, dans cette façon de voir le consentement, c’est que ça permet de rendre formidable chaque activité que l’on fait ensemble.

Imaginons qu’on parle de sexe. Imaginons des personnes qui vivent une expérience sexuelle merveilleuse.
C’est le consentement qui leur aura permis d’arriver à ça.
Le consentement n’est pas ce qui se passe avant le sexe, c’est une partie intégrante du sexe.
Quand tu mets le consentement dans le sexe et au-delà du sexe, ça devient ce fil contenu auquel on peut toujours revenir.

Parler de ce qu’on veut faire avant, vérifier pendant le sexe que tout va bien, reparler de ce qu’on a vécu après, de ce qu’on pourrait faire différemment une prochaine fois.

Quand le focus est sur le consentement et sur comment on peut maximiser notre liberté de choisir et maximiser notre possibilité de plaisir, c’est ça qui devient le focus, plutôt que le sexe en lui-même. Grâce à cela, on passe un meilleur moment, et ça ouvre toutes les possibilités de se sentir bien.

🩷 J’adore voir le consentement comme une façon d’être en relation et d’être continuellement attentif ou attentive à qu’est-ce que tu aimes. Et de mettre nos besoins au centre, tes besoins, mais aussi mes besoins, et comment on peut trouver un chemin mutuel. Et je trouve ça hyper sexy. Et je suis toujours un petit peu étonné, quand des personnes disent « demander tout le temps le consentement, c’est Relou. ça casse l’ambiance. » J’aimerais bien avoir ton avis sur ça sur pourquoi le consentement est sexy ?

🩵 En fait, dans mon livre, j’insiste sur l’importance d’intégrer le consentement dans toutes les parties de notre vie.
Je ne suis pas fan de la phrase « le consentement est sexy ».
Pour moi le consentement fait partie du sexe.
Ce qui signifie aussi que si on fait les choses de manière consensuelle, parfois on ne va pas faire l’amour ensemble et on va plutôt faire autre chose.
Et On n’a pas une idée fixe de ce qu’est le sexe.

Je pense que c’est intéressant quand les personnes disent que demander le consentement casse l’ambiance. Sans doute que ce à quoi ces personnes font référence, c’est qu’il ne préféreraient ne pas parler du tout de consentement de peur interrompre le flot.

Mais c’est super important de comprendre que ce qu’on croit être « le flot naturel des choses » quand on fait l’amour ensemble, n’est PAS un flot naturel. C’est un script sociétal, c’est une histoire hégémonique. C’est une idée communément partagée que le sexe, c’est s’embrasser, se toucher, enlever nos vêtements, avoir des préliminaires, puis de la pénétration pénis-vagin ou pénis-anus. Et si tu n’as pas de pénis, quelque chose qui ressemble à un pénis doit aller à l’intérieur du corps de l’autre.

Et quand on y réfléchit. ce n’est pas une chose naturelle que tu viens bousculer lorsque tu parles de consentement. C’est juste une vraie construction sociétale qui dit que la sexualité, c’est ça.

D’ailleurs, toutes les scènes de sexe à la télévision ou au cinéma ou dans le porno, et même dans les livres – selon les livres que tu lis – nous disent que le sexe c’est ça. Même les manuels de sexualité nous disent que le sexe c’est ça.

Et on peut voir le consentement comme une façon d’interrompre cette histoire communément racontée. Le consentement nous permet de nous interroger sur ces supposées choses qu’on devrait faire. Les choses qu’on nous a dit de faire ou de ne pas faire pour coller à ce programme

On peut choisir d’interrompre cette histoire dans le but de beaucoup plus nous amuser. Et alors le sexe peut nous offrir beaucoup plus de plaisir.

Dans le cadre de la sexualité hétérosexuelle, c’est cette pénétration pénis vagin qui semble être tout en haut de la hiérarchie, de ce qu’il faudrait faire. Alors que pourtant, on le sait, c’est prouvé, ce n’est PAS ce qui apporte le plus de plaisir aux femmes. Des études nous ont montré que la plupart des femmes ont besoin de stimulation clitoridienne et de pratiquer des formes de sexe qui ne soient pas la pénétration pénis-vagin, pour ressentir du plaisir ou avoir un orgasme.

Donc, le consentement a le potentiel de non seulement rendre le sexe encore plus agréable. Mais aussi d’interrompre ses programmes qui créent une inégalité homme-femme en terme de plaisir, d’orgasme, d’excitation et de désir. Et vu comme ça, c’est féministe et radical, de faire une pause et de se demander « comment on peut faire autrement ? ».

Et c’est bon pour tout le monde, y compris les hommes. Car dans le sexe hétérosexuel, la plupart des hommes veulent absolument faire jouir leur partenaire. C’est le nouveau truc. Les hommes veulent être bon au lit et que leur partenaire orgasme tout le temps pour pouvoir se dire que c’est eux qui ont permis ça. Donc, si tu veux être ce genre d’homme qui fait jouir une femme, il est indispensable que tu mènes ce travail de te demander et de demander ce que veut vraiment ta partenaire. Et si tu ne le fais pas, le sexe avec toi ne sera pas bon, à mon humble opinion.

🩷 Oui, à ton humble avis d’expert ! 😀
J’aime le focus que tu mets sur le consentement, comme une façon de rendre les choses encore meilleures, et pas uniquement dans la perspective d’éviter l’abus (qui est aussi une grande partie du consentement). J’ignore comment c’est pour vous en Angleterre, mais en France on entend souvent « tant qu’on a pas dit non ça veut dire que c’est oui ». Et pas forcément dans le sens de prédateur ou d’une sexualité Abusive et horrible, même dans le sexe consensuel. Par exemple, si je mets mon doigt dans ton cul, j’imagine que si tu ne me dis pas « non, ne le fais pas », ça veut dire que tu es d’accord. Pourtant évidemment, évidemment, ce n’est pas si simple, et j’aimerais avoir ton opinion sur ce sujet.

🩵 oui bien sûr ! A mon avis, la définition du consentement qui est utilisée par la plupart des personnes en éducation sexuelle peut créer ce genre de problème.

Et c’est ce dont je parle au début du livre.

D’ailleurs – petite parenthèse – c’est un livre initialement destiné aux adolescents, mais c’est quand même un livre qui est complexe parce que les adolescents sont hyper intelligents. J’enseigne auprès des adolescents et ils sont tellement futés ! Ils veulent des explications complexes et détaillées sur les sujets qui les concernent.

Mais pour revenir à ta question, la façon dont est enseigné le consentement, c’est que oui veut dire oui et que non veut dire non. C’est ce qu’on m’appelle le consentement affirmatif, mais ce n’est qu’UNE des nombreuses façons d’aborder le consentement.

Évidemment, le problème qu’on rencontre ici, c’est : est-ce que ça veut dire que si personne ne dit oui ou non, il n’y a plus de consentement ? Alors que pourtant, bien sûr, si personne ne dit oui ou non, on peut vivre quand même du sexe consensuel !

Ce qu’on a besoin de faire, c’est d’amener notre attention sur la façon dont nos corps réagissent. Imaginons que je mette mon doigt sur l’anus d’une personne, et que cette personne se raidisse ou amène sa main près de ses fesses, ou se détourne, ou pose une main sur mon épaule en me repoussant, ou écarte mon doigt…

C’est le genre de moment où je devrais vraiment renforcer notre attention. C’est plus facile pour certaines personnes que pour d’autres d’être attentives à ce qu’il se passe pour l’autre, parce que nos cerveaux fonctionnent de manières différentes.

C’est pourquoi j’aime utiliser des exemples du quotidien comme les Hug ou le serrage de mains. Si quelqu’un a les mains dans ses poches, que ses épaules sont repliées et que sa posture est rigide, c’est clair que cette personne n’a pas envie de recevoir ou de donner un hug.

Si tu te penches vers quelqu’un pour l’embrasser, et que cette personne ne se penche pas vers toi, c’est plutôt clair qu’elle n’a pas envie de t’embrasser en retour.

Si tu tends ta main droite vers quelqu’un – en Angleterre, il y a une pression énorme sur le faite de serrer la main – mais que cette personne a les mains dans ses poches, c’est qu’elle n’a pas envie de te serrer la main.

On comprend ça, on sait décoder ces signes là. Et bien c’est exactement la même chose dans la sexualité. Et c’est pourquoi c’est hyper important qu’on apporte de l’attention aux choses que l’on peut faire pour maximiser le confort des autres.

Si on en revient aux salutations, il ne s’agit pas de juste tendre ma main vers quelqu’un. Ou de l’attraper rapidement pour lui faire un hug. Ou de te jeter sur quelqu’un pour lui faire la bise, comme si c’était la chose normale à faire.

À la place, on peut apprendre à ralentir un petit peu même de quelques secondes pour être plus attentif à ce qu’il se passe pour l’autre. Quelle est la posture de cette personne ? De quoi semble-t-elle avoir envie ? Qu’est-ce que je fais en retour et comment j’intègre les signaux que je reçois ? Peut-être qu’elle apprécierait que je lui dise bonjour, mais qu’elle n’a pas envie d’être touchée. Dans ce cas, je peux juste rester à ma place et dire « hey salut » en faisant un petit signe de main ou un sourire. Ce qui, pour certaines personnes, peut d’ailleurs être une expérience beaucoup plus intime que de toucher.

Donc si on reprend cette question du doigt sur l’anus, qu’est-ce qu’on peut faire dans cette situation ? On y va vraiment vraiment doucement.

Et idéalement, ça serait bon d’avoir eu une conversation préalablement, avant le sexe, sur les endroits où on veut bien où on ne veut pas être touché. Une conversation utile peut-être de demander « est-ce qu’il y a des choses que vraiment tu n’aimes pas ? Des endroits où tu n’aimes vraiment pas être touché ? ».

A cette question, on peut répondre par exemple : « je n’aime pas qu’on mette des choses dans mon cul, qu’on me touche les pieds ou qu’on me fasse mal ». Et ça nous donne une sorte de base à partir de laquelle on peut agir.

Si on sait que quelqu’un n’aime pas avoir des choses dans son cul, on va même pas essayer d’y aller. Mais imaginons que la personne a dit qu’elle était d’accord, ou qu’elle a dit « oui, parfois, j’aime bien avoir des choses dans mon cul ».

Dans ce cas, ce ne serait toujours pas maximiser sa liberté de choisir que de débarquer d’un seul coup pour lui mettre un doigt dans le cul. À la place, je peux avancer mon doigt doucement vers son anus, en étant dans une position dans laquelle je vois son visage. Ainsi je peux voir si elle fait un mouvement d’approbation ou si ses sons sont plutôt encourageants.

Je peux lui demander « est-ce que ça va ? Est-ce que c’est bon pour toi ? Est-ce que tu veux que je prenne du lubrifiant ? ». Je peux placer mon doigt à l’entrée de l’anus sans pénétrer l’anus et demander « Est-ce que c’est bon pour toi comme ça? ». Et ça laisse la liberté à la personne de dire « oh oui j’adore continue » ou « hmmm non écoute je suis pas sûre ».

Et cette micro communication et toutes les choses auxquelles on apporte notre attention est cruciale. Si on amène uniquement notre attention sur « est-ce qu’il ou elle a dit oui ou non », « est-ce qu’il a dit qu’il aimait les trucs dans son cul, ou pas ? ». Alors on passe complètement à côté de ce qu’est le consentement. Et on risque de tomber dans du sexe non consensuel et du sexe qui ne fait pas plaisir.

Et c’est l’une des violences et des limites de ce système qui ne met son attention que sur le oui ou le non.

Il y a aussi cette idée du consentement enthousiaste qui dit qu’on devrait avoir de la sexualité que avec des personnes qui sont totalement enthousiaste pour ça. Et bien sûr, ça a l’air génial comme idée, dit comme ça.

Mais l’une des choses qui commence à se produire – et qui a été démontrée par les recherches académiques actuelles ) c’est qu’on a toujours cette idée qu’il y a une personne qui détient le consentement et le pouvoir de dire ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas. Et de l’autre côté, il y a l’autre personne qui demande le consentement.

Donc il y a cette idée d’unilatéralité, plutôt que l’idée de deux personnes qui recherchent ensemble ce qui est bon pour chacune d’elle.

Et en plus, ce qu’on observe dans les relations hétérosexuelles, c’est que non seulement maintenant la femme doit donner son consentement mais en plus elle doit simuler un degré d’enthousiasme qui n’est pas forcément le sien. Ça c’est vraiment vraiment nul et dommage.

Les questions qu’on doit se poser quand on fait des choses consensuelle, c’est qu’est-ce qui les rend consensuelles ? Et Comment sait-on qu’elles sont consensuelles ? Dans mon livre, je parle de sexe, mais aussi de choisir une pizza avec quelqu’un. Ou de choisir de regarder une série avec quelqu’un. Choisir un film ensemble quand on va au cinéma. Se saluer et se serrer la main. Faire des hug, et plein d’autres choses. Et je suis convaincu que d’apporter de l’attention sur nos micro processus est ce qui permet de faire grandir le consentement.

🩷 En fait, il s’agit plus de se mettre d’accord ensemble, plutôt que d’être complètement enthousiaste. Demander est-ce que t’es confortable avec ça est-ce que tu apprécies ça ? Et alors évidemment, évidemment, ça peut laisser de l’espace pour l’enthousiasme sans que ce soit pour autant un prérequis obligatoire pour faire des choses ensemble.

🩵 Oui. Et puis ça permet de dire « regardons ensemble comment les choses évoluent. Regardons ce qui émerge ». Ça nous permet d’apprendre à être dans le moment, et d’amener l’attention sur ce qui émerge entre nous.

Ce qui veut dire qu’on choisit d’amener l’attention sur plusieurs signaux, sur la communication entre nous, et sur le plaisir que chacun ressent. Et parfois, ça veut dire qu’on fait moins que ce qu’on avait imaginé.

Dans tout ce qu’on fait, souvent, on prévoit de faire beaucoup beaucoup de choses. Ça peut être dans le sexe ou dans tout autre évènement de la vie.

Mais disons qu’on parle de sexe. Imaginons que deux personnes commencent à avoir de la sexualité ensemble et ils se disent : on va faire plein de sexe ensemble. On va expérimenter plein de choses différentes. S’embrasser. se caresser. le sexe, oral. plein de positions différentes. la pénétration. la masturbation…

Et c’est souvent trop, parce que ce que ça nous fait faire, c’est que au lieu d’amener notre attention sur le corps de l’autre, on essaye plutôt de faire toutes ces choses qu’on a prévues de faire.

On amène notre attention sur ce script ou cette histoire de tout ce qu’on devrait faire, plutôt que d’amener notre attention l’un sur l’autre. En fait, on ferme nos possibilités réelles.

Moi, ce que j’aime bien dire aux personnes qui commencent de la sexualité ensemble, et notamment les jeunes, c’est de prendre une liste de toutes les choses qu’ils peuvent faire dans le sexe. Je leur suggère : choisissez un ou deux items. Expérimentez en faisant attention l’un à l’autre. Et ensuite, discutez ensemble de ce que vous avez aimé et moins aimé. De ce que vous aimeriez faire différemment, les prochaines fois. De que vous aimeriez inclure.

Et la prochaine fois que vous faites l’amour à nouveau, choisissez deux autres items de la liste. Ralentissez, amenez votre attention sur ce qu’il se passe et sur vous. Et ça, je trouve, c’est un processus itératif et progressif qui fait de la place au consentement plutôt que de donner le focus à faire TOUT ce qu’il faudrait faire. Et ça permet de passer des moments beaucoup plus agréables.

🩷 Putain, j’adore cette idée (désolée d’avoir juré), mais je n’avais jamais pensé à faire ça ! Mais en t’entendant en parler, je me dis, mais oui ça a l’air génial, de ne pas dérouler le script en entier, mais d’y aller progressivement, « morceau par morceau ». CA a l’air génial, et je vais essayer ça. Merci !
Je voulais te poser une autre question. Quand on voit le consentement comme la liberté de choisir d’être d’accord, avoir le la conscience qu’on a le choix me paraît déterminant. Souvent dans ma propre vie, je consens des choses ou des situations que je n’aime pas vraiment, mais parce que je crois que je n’ai pas d’autres options. Par exemple, je consens à avoir une relation avec un homme qui ne nourrit pas du tout mes besoins parce que je n’ai pas ENCORE dans ma vie, une autre relation qui satisfait plus mes besoins et mes envies. Et j’ai l’impression qu’à la racine du consentement, il y a la croyance et même la foi que nous pouvons trouver des personnes qui seront heureuses de faire avec nous ce que l’on aime aussi, et que nous n’avons pas à sacrifier nos besoins. C’est ça ?

🩵 Oui, j’adore cette question, qui est une question très philosophique, en fait. Je pense que quand on pense au consentement, ce doit toujours être une relation gagnant gagnant. On cherche à ce que ce soit gagnant pour les deux parties, même lorsque’on ne fait pas les choses qu’on aime le plus.

Imaginons par exemple qu’on a un compagnon ou une compagne, et qu’on a une activité qu’on aime vraiment énormément mais que notre partenaire n’aime pas. Ca serait une situation perdante des deux côtés de faire cette activité avec ton partenaire, alors que tu sais qu’il ou elle passe un mauvais moment.

Tu n’apprécierais pas de générer de la tristesse chez lui ou chez elle. De réduire sa capacité à choisir ce qui est bon pour lui ou elle. Tu diminuerais son plaisir et sa joie. Et puis, en voyant ton partenaire insatisfait, tu ne profiterais pas pleinement de cette chose que tu aimes.

Tandis que, si tu as une approche gagnant-gagnant envers la sexualité, et même envers n’importe quelle activité, tu te reposes la question : qu’est-ce que j’aime quand je suis avec ce partenaire ?

Avant, j’aimais ça, et désormais, je suis avec ce nouveau partenaire, et je découvre que j’aime aussi ça. Comment je peux créer un espace de joie commune, partagée avec mon ou ma partenaire. Comment je peux chercher ce que nous aimons tous les deux ?

Comme pouvons-nous co-créer cette expérience unique ensemble ? Et c’est même plus qu’être gagnant-gagnant. Ca devient carrément magique, car c’est ce qui permet l’intimité, la romance, le sentiment de proximité et de lien. Et ça marche dans tous les types de relation. Un partenaire romantique. Un ami. Un sex-friend.

Dès qu’on co-crée quelque chose avec quelqu’un, c’est cette co-création qui rend les choses joyeuses. Et c’est super important.

🩷 Il y a aussi la question de l’agentivité, c’est à dire la capacité à se relier à notre propre capacité de choisir ce qui est bon pour nous, et qui est tellement cruciale. Nous avons besoin de nous voir comme des personnes qui ont la capacité de faire des choix pour nous.

🩵 Oui. L’agentivité ou l’auto-consentement, c’est cette capacité à nous donner le pouvoir de choisir. Ma vision philosophique du soi, c’est que le soi est toujours en relation avec le monde autour.

Nous ne sommes pas des royaumes isolés. Nous ne pouvons pas nous fermer au reste du monde. Le soi émerge de notre relation avec le monde extérieur. Et donc nous n’avons aucune idée de la façon dont nous nous traitons nous-mêmes si nous n’avons pas de relation avec le monde extérieur.

Mais quelque chose qui est un problème pour beaucoup d’entre nous… et c’est la raison pour laquelle l’auto consentement est tellement important… c’est que le monde, la culture, la société donne à certaines personnes, plus de liberté de choisir qu’à d’autres.

La liberté de choisir n’est pas distribuée de manière équitable dans nos sociétés… En tant qu’homme blanc hétérosexuel, d’une quarantaine d’années de la classe moyenne, j’ai énormément de liberté de choisir.

D’autres personnes appellent ça le privilège. Mais je préfère parler de liberté de choisir ou d’agentivité.

Par exemple, pour simplifier le propos de Simone de Beauvoir dans le deuxième sexe, puisque les femmes passent systématiquement après les hommes, elles n’ont même pas pris l’habitude de se demander quels sont leurs désirs et leurs besoins. Parce qu’on ne leur a jamais donné l’opportunité d’être le sujet de leur propre histoire.

C’est pourquoi l’idée de consentement est tellement importante et que nous devons d’abord nous l’appliquer à nous-mêmes.

Nous devons apprendre à identifier quels sont nos désirs. nos besoins. nos envies. Et on a besoin de commencer doucement avec des choses simples, comme par exemple, choisir une barre chocolatée.

En Angleterre, on adore aller dans une boutique et acheter une barre chocolatée. Je ne sais pas si vous avez ça en France ? Je crois qu’en France, vous avez des choses bien meilleures ! Vous allez plutôt à la boulangerie choisir entre un croissant ou un pain au chocolat ou une incroyable patisserie.

Notre version à nous, ce sont les barres chocolatées.

Donc, imagine que tu es en vacances à Londres et que tu dois choisir parmi ce choix incroyable de barres chocolatées.

Et tu te poses la question… De quoi j’ai vraiment envie aujourd’hui ?. Est-ce que j’ai plutôt envie d’un truc très junk food ou plutôt de quelque chose d’assez chic ? Quelque chose de sophistiqué ou de bizarre ? Quelque chose qu’un adulte devrait avoir envie de manger ou quelque chose d’un peu régressif ? Est-ce que je veux quelque chose avec des noix ? Est-ce que je veux quelque chose que je connais déjà qui me rappelle mon enfance ? Ou quelque chose de totalement nouveau et différent ?

Et tout ce choix doit être fait face à un homme qui attend à la caisse en face de vous… que vous fassiez votre choix.

Et c’est super dur ! Alors que pourtant c’est juste un tout petit acte de décision pour soi-même. De prendre ce petit temps de se poser la question qu’est-ce que je veux vraiment ?

Et c’est important de reconnaître cet acte comme un acte d’agentivité, d’auto consentement et de décision pour soi.

Et ce qui est génial, c’est que plus on prend l’habitude d’utiliser notre liberté de choisir pour nous-mêmes… plus on remarque les personnes qui nous donnent cette liberté de choisir pour nous. Et qui nous soutiennent là-dedans. Et on remarque aussi mieux les autres… ceux qui nous privent de cette liberté de choisir pour nous.

Si tu as l’habitude de ressentir l’effet que ça te fait de pouvoir choisir la barre de chocolat qui te plaît le plus, plutôt que celle que tu crois que tu devrais choisir… Si tu sens ce que ça fait dans ton corps…

Parce que quand on a la liberté de choisir ce qui est bon pour nous, notre corps et notre système nerveux se détendent. Notre rythme cardiaque se régule. On expire mieux. On a une meilleure capacité d’observation du monde extérieur. Notre système nerveux parasympathique est activé. On est plus calme, détendu et plus apte à apprécier ce qu’on vit.

On a aussi ce sentiment de bien-être quand on est en compagnie des personnes qui nous donnent la liberté de choisir… Quand une personne nous donne du temps pour choisir, nous laisse plusieurs options.

Et en s’entraînant avec des choses aussi simples que cette histoire de barre chocolatée… On arrive à voir si les personnes qui nous entourent nous donnent cette liberté de choisir pour nous ou nous en privent. Et cela peut nous aider à devenir le sujet de notre propre vie et a avoir plus de pouvoir sur nous-même. Cela nous permet d’être nous-même dans le monde, et passer de meilleurs moments.

🩷 Ca permet d’avoir plus de discernement sur les relations dans lesquelles il y a cette recherche de consentement ou pas, et mettre de meilleurs choix pour nous-mêmes, comme par exemple se donner le droit de quitter les relations qui ne nous laissent pas libres de choisir.

🩵 Je pense que ça avoir avec une vision de l’abondance ou de la pénurie.

Il y a énormément de personnes dans le monde avec qui on peut être en relation.

Mais encore une fois, c’est important de rappeler la discrimination qui existe dans la liberté de choisir.

Par exemple, je sais que beaucoup de personnes en situation de handicap trouvent le monde de la rencontre sexuelle et amoureuse difficile à cause du validisme et de la discrimination contre les personnes en situation de handicap. Même leur relation à l’espace est plus difficile, et il y a moins de liberté de choisir où ils peuvent aller librement.

Quand on est en situation de handicap, on se demande constamment. Est-ce que je vais pouvoir aller dans ce bar, ce café ? Vais-je être traité justement ? Et cela crée cette sensation de pénurie.
Et beaucoup de personnes, même valides, peuvent ressentir ça, à leur manière.

C’est pourquoi le fait d’apprendre à choisir une barre chocolatée… bien sûr, ça ne va pas résoudre tous les problèmes d’inégalités qui existent. Mais c’est un début indispensable. Dans la mesure où même lorsqu’on observe cette situation de pénurie et de manque d’options, il y a TOUJOURS d’autres possibilités.

Il y a toujours la possibilité de l’abondance et de plus de liberté de choisir.

Et je parle de ça dans le livre. De comment est-ce qu’on empuissance les gens ? Et notre expérience de l’inégalité – que ce soit le sexisme, le validisme, le racisme – rend cet empuissancement difficile. Mais intégrer le consentement dans notre vie, apprendre à augmenter notre liberté de choisir recèle aussi d’énormes possibilités de transformations.

Et ces possibilités nous empuissancent les uns les autres.

Donc si on peut s’empuissancer grâce au consentement. On peut aussi amener notre attention à comment, chacun, on peut contribuer la capacité à choisir de ceux qui nous entourent. C’est un début qui va permettre de faire reculer les inégalités. Cela nous donne le gout de ce à quoi ça ressemblerait de vivre dans une société d’abondance plutôt que dans une société de pénurie.

Et c’est l’aspect très politique de mon livre. Comment oeuvre-t-on collectivement vers un monde dans lequel nous avons tous de plus grandes capacités de choisir ? Nous ne pouvons pas être libre individuellement tant que nous ne sommes pas tous libres. Et le consentement est une sorte de projet de libération. Et je pense que c’est fondamental, même si on commence petit.

C’est quelque chose qu’on peut tous faire dans tous les aspects de notre vie. Et ça nous donne cet avant-goût, et cette sensation de ce à quoi la liberté peut vraiment ressembler.

🩷 Oh mon Dieu. Je me sens tellement émue et reconnaissante et incroyablement chanceuse. Et j’en pleure carrément de pouvoir discuter avec toi de tout ça et de recevoir une message si profond et si plein d’espoir pour nous et pour le monde. Merci de tout coeur Justin.

🩵 Oh merci. Je suis si heureux que ça résonne avec toi. C’est vraiment la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre. Donc c’est émouvant pour moi aussi. Merci.

🩷 Changeons le monde, une barre chocolatée à la fois.

🩵 Ou avec des macarons !

🩷 Merci beaucoup. Y a-t-il quelque chose que tu veux ajouter pour clore ce moment ensemble ?

🩵 En plus de mon livre, j’ai un site Internet qui est écrit en anglais, mais Google translate peut vous aider ! Il s’appelle bish.uk.com. C’est un des sites les plus populaires en Angleterre sur la sexualité. Donc vous pouvez évidemment aller voir. Et mon site personnel est Justin Hancock.co.UK. Si vous avez envie de découvrir toutes les autres choses et projets que je fais.

🩷 oui, tu as notamment un podcast génial ou tu réponds aux questions de tes auditeurs et auditrices

🩵 oui, c’est à la fois nerdy et philosophique, et et j’y parle tout le temps de ma philosophe française préférée, donc n’hésitez pas à écouter ça si vous voulez ajouter un peu de philosophie dans votre sexualité et vos relations.

🩷 J’adore. Merci beaucoup, Justin.

🩵 Merci de m’avoir reçu !

 

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